28/12/2022 => Jour 118
Nous ne sommes plus très loin du Chili, mais il reste 106 km de ripio. Nous sommes à un seuil élevé de stress. Anouck avait demandé sur un groupe Whatsapp de familles voyageuses en Amérique du Sud, si quelqu’un connaissait une bonne gomeria dans la région. Les 6 sur la route, en avance de deux jours sur nous, ont été parler à une gomeria pour nous, en disant qu’on serait là aujourd’hui.
On va donc dans cette gomeria pour mettre notre roue de secours française, la seule roue encore neuve, à la place du pneu le plus usé. Ils m’expliquent que je me suis fait avoir sur le pneu au diamètre différent, je ne peux le mettre nul part. Je leur demande de faire la géométrie, mais ils n’ont pas les appareils pour, ils me conseillent un centre automobile de la ville.
Là-bas, ils nous font poireauter 3/4h, puis s’occupent de Coquillette. Ils la montent sur le pont, c’est impressionnant de voir notre camping-car monter à 2-3 mètres du sol. Après inspection, ils m’expliquent que le tremblement du volant vient de l’usure des pneus avant. Ils comprennent que mon objectif, c’est d’arriver au Chili, ils mettent donc les deux meilleurs pneus à l’avant, les 4 moins pires à l’arrière, et refont la pression des 6 roues (les 2 roues de « secours » sont inutilisables). J’ai enfin l’impression d’être tombé sur des professionnels.
Perito Moreno Frontière Huemules
8h35
198 kms
Lorsque je redémarre, le volant n’oscille plus, nous sommes rassurés. Mais il est déjà 13h, on mange sur le parking de la gare des bus, on fait le plein d’essence et d’eau, et on se lance pour le dernier tronçon. Après 96km de bitume, on arrive à la bifurcation vers la frontière. Le ripio commence. Je me dis qu’on va être seuls sur cette route pourrie, Anouck se moque : dès le début, on croise de nombreux camions qui préfèrent l’Argentine à la Carretera Austral et ses nombreux bacs pour rejoindre le sud du Chili.
Je roule lentement, j’évite les trous et les grosses pierres. Au bout d’un moment, on quitte la plaine pour des collines, c’est difficile de choisir entre prendre son élan pour les montées et rouler doucement à cause du ripio. Je ressens une douleur soudaine au genou : le verrou de la boîte à fusibles de Coquillette vient de lâcher. La porte tombe sur ma jambe, je rafistole comme je peux.
Anouck divise le trajet de ripio en 10 tranches de 11km, et nous avertit à chaque étape. Je descends alors vérifier les pneus. Dans une grosse descente, il y a un petit stationnement, on s’y gare vers 18h. Je cuisine des crêpes, si on passe la frontière, il ne faut plus d’œufs au frigo. Pendant le repas, on observe les camions galérer à franchir cette pente. Maman Blondinette fixe une corde pour tenir la boîte à fusible, c’est mieux !
Nous continuons notre route après la vaisselle, nous avons décidé de dormir à la frontière, pour ne plus avoir de ripio demain. La difficulté de la conduite monte d’un cran encore : le soleil baisse sur l’horizon, face à nous. Au début, c’est juste pendant les montées, mais bien vite, même à plat, j’ai du mal à voir la route, et donc les cailloux à éviter. Anouck a lu que la frontière fermait à 20h. Des voitures nous dépassent à vive allure, on se demande si elles arriveront à temps. De même, on croise des camions jusqu’à 21h, on a du mal à comprendre comment c’est possible.
Nous atteignons le poste frontière à 21h30, Coquillette se gare face à l’habitation des douaniers. La barrière vers le Chili est fermée. Magie, à cet endroit, nous ne sentons pas le vent, le bâtiment nous protège. Nous sommes KO, mais le camping-car a tenu le coup. Je sors inspecter les pneus, il n’y a plus de gomme à certains endroits, on voit la toile en dessous du caoutchouc. Vivement demain qu’on aie des pneus neufs 🤞.
29/12/2022 => Jour 119
Lorsque nous ouvrons les stores, la barrière est ouverte, on peut y aller. Ils ont créé une douane commune pour les deux pays, à 3 kilomètres de là. Dans le bâtiment, il y a 6 guichets, nous devons passer devant chacun, et dans le bon ordre. Le premier est plutôt simple, c’est le pass vaccinal Covid. D’ailleurs, le douanier a son bouquin, personne ne reste longtemps chez lui.
Pour le deuxième, il faut attendre, la douanière s’occupe aussi des entrées en Argentine, et un bus vient d’arriver. On patiente en lisant des blagues de toto aux filles. Les éclats de rire ne plaisent pas à la dame qui vient nous gronder, on doit patienter en silence, elle retourne s’occuper de son bus.
Au troisième guichet, l’homme que nous avons vu attendre comme nous que sa collègue nous prenne en charge, a disparu, il est sans doute parti boire son maté. Quand il revient, il nous demande une preuve que nos filles sont bien les nôtres. Je cours au camping-car chercher le livret de famille, c’est la première fois qu’on nous le demande.
Le guichet suivant, l’homme est en grand débat avec une chilienne qui veut passer sans pièce d’identité, seulement en récitant son numéro national. Elle a pu entrer en Argentine de cette manière, elle ne comprend pas pourquoi elle ne peut pas revenir chez elle. Au bout d’un moment, il la fait patienter et s’occupe de nous. Ça commence mal, il ne trouve pas notre admission temporaire de véhicule dans son logiciel, malgré le document papier qu’on lui a donné plus nos explications. Il regarde finalement dans un autre programme, sur un autre ordinateur, et il nous trouve. Ouf.
Le même document côté Chili est dur à remplir, la dame utilise des exemples d’autres véhicules pour me dire ce que je dois remplir. Il reste finalement l’étape que l’on appréhende, la fouille du véhicule. L’agent a l’air cool, il nous fait ouvrir des placards mais ne va pas plus loin. Il ne trouve pas la gousse d’ail derrière les livres ni le fromage au freezer. On a quand même perdu 2h au total.
Frontière Huemules Coyhaique
1h15
60 kms
Nous voici au Chili, sur du bitume, à côté de l’aéroport de Balmaceda, où Mamou et Papou arriveront dans 3 jours !!! On s’y arrête pour voir s’il y a un comptoir Latam, pour nos billets pour l’Île de Pâques. Ce n’est pas le cas, tant pis, on essayera sur internet. Direction Coyhaique, à 60km. Le changement de paysage est hallucinant, des montagnes, des arbres, des prés. Fini les terres arides, ici tout est vert, humide, et vallonné !
Je ne roule pas vite, je garde en tête l’état catastrophique des pneus. J’avais pris contact avec une gomeria de la ville, mais ils ne fournissaient pas les pneus, on devait les acheter dans un magasin de pièces détachées. On arrive à l’une des deux adresses données par la gomeria, pas de chance, ils sont fermés le temps de midi.
Nous mangeons en bord de route en attendant que ça ouvre. À la réouverture, le responsable des pneus ne trouve pas notre référence. Il peut nous en vendre des plus gros spécial ripio, je suis tenté mais ça ne pourra pas être monté sur Coquillette. En voyant mon air désespéré, il me donne une adresse en ville qui pourra m’aider. Dans le magasin, je repère qu’ils ont aussi des transfo, je reviendrai plus tard, un problème à la fois.
Coyhaique est une ville à flanc de colline, presque toutes les routes sont en pente, et les carrefours sont dans un état déplorable, avec des grosses rigoles en entrée sortie, tout le monde donne des gros coups de frein. On trouve l’adresse donnée par l’employé. C’est génial, c’est un vrai garage, qui a 6 pneus aux bonnes références!!! 🤩 Le responsable accepte de nous prendre tout de suite, il prend notre numéro pour nous envoyer un whatsapp quand c’est fini.
Nous sommes en haut de la ville, on a 1,5 kilomètre à parcourir pour visiter le centre. On découvre une place en pentagone, sur laquelle se tient un festival des « immigrés », il y a des stands des autres pays d’Amérique du Sud qui font déguster leur gastronomie d’origine, et une petite scène avec des groupes locaux et des jeunes danseuses de hip-hop.
On s’écarte un peu et l’on s’arrête à l’office du tourisme, Maman Blondinette prend plein d’informations pour préparer la venue de Mamou Papou. Je reçois un message, nos amis les CheersOnTracks sont arrivés en ville. Eux aussi ont des galères avec leur camion, Romain cherche une solution et Caro se promène avec les enfants.
On se rejoint et on écoute la musique ensemble. On s’offre une pause goûter chez un glacier, et on s’organise pour les jours qui viennent, on aimerait bien passer le réveillon ensemble. On se sépare vers 17h30, Caro va rejoindre Romain pendant qu’on remonte vers le garage. On reçoit le message du garage alors qu’il ne nous reste qu’une centaine de mètres à parcourir, bon timing !
Nous voilà donc avec 6 nouveaux pneus installés 🥳, et les deux meilleurs pneus qui nous restaient sur le toit en guise de roue de secours. Anouck tique tout de suite, les pneus ont l’air à plat. En effet, ils ne savaient pas quelle pression on mettait habituellement, ils nous attendaient. Une fois les pneus regonflés, on roule soulagés vers le spot pour cette nuit.
C’est une petite cuvette sur le bord de la ville, la descente pour y accéder est impressionnante, je suis debout sur les freins. Dans la descente, Caro et les enfants marchent en attendant Romain. En bas, c’est une prairie le long d’une rivière, avec des jeux pour enfants et des BBQ. Le seul défaut, c’est les déchets qui traînent partout. Argentine – Chili, même combat.
On s’installe, les enfants se mettent à jouer ensemble, Anouck cuisine, et j’accompagne Caro aider Romain à descendre, il y a des câbles un peu bas sur le chemin. Voir leur gros camion descendre une telle pente, c’est impressionnant. On prend l’apéro ensemble, on se raconte nos galères techniques, les nôtres paraissent minimes comparées aux leurs…
30/12/2022 => Jour 120
Journée logistique. Maintenant que le problème de pneus est réglé, nous allons acheter le transfo qui m’avait fait de l’œil hier. Ensuite, je cherche un car-wash, mais tout est complet aujourd’hui. En allant déposer notre linge à la laverie, je monte en pression car il n’y a pas de place en centre-ville. Je décide de me mettre en double file, à la chilienne. Mais je serre trop à droite, et voilà que j’explose le rétroviseur d’une voiture.
Grosse panique, je sors et vois arriver une dame, elle me dit que c’est la voiture de son patron. Je rentre dans un centre vétérinaire, le docteur se rend disponible pour constater les dégâts. Il me dit de me garer mieux, le temps que je revienne, il avait trouvé sur mercadolibre, le Amazone sud-américain, le modèle de son rétroviseur. 120 euros, que je lui donne en cash. Nous sommes dégoûtés, et je perds un peu confiance en moi. Je n’avais jamais eu de problème avec les dimensions de Coquillette !
Nous allons au supermarché, pour remplir les frigos avant l’arrivée de Mamou et Papou. On craque devant un paquet de saumon fumé, pour le réveillon de Nouvel An. Le supermarché est bondé, le parking aussi. On déjeune là en attendant que ça se calme. On retourne ensuite là où on a dormi cette nuit, pour faire le ménage. On range, on retire les kilos de poussière qui se sont infiltrés sur le ripio, on nettoie intérieur et extérieur.
Léna se lance dans de la peinture, elle nous a dit que c’était elle, le cadeau de Noël de Papou et Mamou, elle se fabrique un déguisement avec un carton et de la peinture. Le soir, nous allons manger des burgers, avec des frites ondulées que faisait la Mémée d’Anouck. Le ventre bien plein, nous nous dirigeons vers la fête organisée par la municipalité.
Comme tout le monde reste en famille pour le réveillon, ils fêtent la Nouvelle Année le 30. Il y a des concerts et des vendeurs de jouets, mais pas de buvette, ça m’attriste un peu. Le premier groupe à jouer, ce sont des jeunes qui font du hard rock, deux déguisés en militaire, et le guitariste gothique qui fait tourner ses longs cheveux teints en rouge. La sono n’est pas terrible, les baffles sont saturés. À la grande tristesse des filles, on s’éloigne un peu du massacre.
Le deuxième groupe est plus traditionnel, avec des musiques à danser, le public participe bien. Romain et Caro nous rejoignent avec leurs enfants ; Suzie et les Blondinettes se lancent dans un jeu sportif, elles courent un peu partout et font des « exercices ».
Avec Romain, nous regardons un mur de post-it, ce sont les vœux de la mairie. La parole est donnée aux citoyens, chacun peut exprimer ses envies pour l’année qui arrive. Beaucoup parlent de l’état des routes au centre-ville, je suis parfaitement d’accord ! Je rajoute l’accès à l’eau potable pour les voyageurs (il n’y a pas de fontaine ici) et de la bière aux événements de la ville. Romain ajoute le nettoyage de la zone où l’on dort, qui pourrait être super agréable sans tous les déchets.
Nous partons nous coucher bien avant la fin du concert !
Comments (1)
Ouf fini le stress des pneus. En effet ça fait un boucan de rouler sur ce ripio !